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Point sur les mécanismes du syndrome néphrotique idiopathique, le virus d’Epstein-Barr et les anticorps EBNA-1

Claire DOSSIER, Agnès JAMIN et Georges DESCHENES ont lu pour vous une série de publications parues entre 2012 et 2016 qui permettent de mieux cerner les relations entre le syndrome néphrotique idiopathique et l’infection à virus EBV.

Article n°1 : La première poussée de syndrome néphrotique idiopathique est associée à la présence du génome EBV dans le sang circulant.

Le syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant est une maladie immunitaire primaire dont la cible fonctionnelle est exclusivement rénale. La précession d’un épisode viral dans le mois précédant le diagnostic est banale. Une étude prospective multicentrique, de type cas-contrôle en population générale sur la génoprévalence des herpes virus humain HHV4 (EBV), HHV5 (CMV), HHV6 et HHV7 a impliqué 39 centres de pédiatrie en région francilienne pendant 30 mois. La cohorte a inclus 164 malades et 233 témoins de moins de 16 ans et l’analyse a gardé 124 malades et 196 contrôles appariés en âge, en genre et en période de prélèvement. La présence du génome EBV dans le sang circulant était significativement associée au développement de la première poussée de syndrome néphrotique idiopathique (51% des cas contre 29% des contrôles) en analyse univariée (p<0.001) comme multivariée (p<0.01). La moitié des malades avec une première poussée de syndrome néphrotique ont donc une réplication EBV détectable dans le sang circulant.

Dossier C, Sellier-Leclerc AL, Rousseau A, Michel Y, Gautheret-Dejean A, Englender M, Madhi F, Charbit M, Ulinski T, Simon T, Jacqz-Aigrain E, Deschênes G. Prevalence of herpesviruses at onset of idiopathic nephrotic syndrome.  Pediatr Nephrol. 2014 Dec;29(12):2325-31

Article n°2 : HLA DQA est le locus-candidat exclusif du syndrome néphrotique corticosensible de l’enfant.

L’hypothèse du travail repose sur l’existence d’un terrain génétique nécessaire au développement d’un syndrome néphrotique idiopathique. L’étude est techniquement très lourde et repose sur la recherche des variants génétiques dans l’exome chez 363 cas de syndrome néphrotique idiopathique et 149 contrôles. Après correction de Bonferroni (c’est une technique statistique qui permet de trouver une signification dans des milliers de tests), le site chromosomique du groupe HLA DQA1 est significativement associé à la maladie (p<10-5). Une deuxième cohorte de 100 cas et 590 contrôles a encore permis d’améliorer la signification avec un p<10-16. Le locus est situé en 6p21 à 32 mégabases de l’extrémité 5’ du chromosome 6. HLA DQA1 est le seul locus atteignant ce degré de signification. Ce résultat jette un nouvel éclairage sur les nombreuses études (13 articles entre 1976 et 2009) liant le syndrome néphrotique idiopathique et les deux chaînes DQA, et DQB1 du groupe HLA de classe II DQ. Il confirme également que le terrain génétique de la maladie concerne exclusivement la reconnaissance des épitopes par le système immunitaire.

Gbadegesin RA, Adeyemo A, Webb NJ, Greenbaum LA, Abeyagunawardena A, Thalgahagoda S, Kale A, Gipson D, Srivastava T, Lin JJ, Chand D, Hunley TE, Brophy PD, Bagga A, Sinha A, Rheault MN, Ghali J, Nicholls K, Abraham E, Janjua HS, Omoloja A, Barletta GM, Cai Y, Milford DD, O’Brien C, Awan A, Belostotsky V, Smoyer WE, Homstad A1, Hall G, Wu G, Nagaraj S, Wigfall D, Foreman J, Winn MP and the Mid-West Pediatric Nephrology Consortium. HLA-DQA1 and PLCG2 Are Candidate Risk Loci for Childhood-Onset Steroid-Sensitive Nephrotic Syndrome. J Am Soc Nephrol. 2015 Jul; 26(7):1701-10.

Article n°3 : L’étude pangénomique integrative localise les facteurs génétiques qui influencent la production des anticorps contre l’antigène EBNA-1 du virus d’Epstein-Barr.

Les anticorps anti EBNA-1 sont la marque de l’infection latente à EBV dans les cellules B mémoires périphériques. La séroprévalence des anti-EBNA1 est seulementt de 50% dans la population mexicaine infecté par le virus EBV. Les auteurs on étudié les déterminants génétiques de la capacité à fabriquer des anticorps antiEBNA-1 par GWAS (Genome Wide Association Study). Cette technique a permis de localiser cette propriété biologique sur le chromosome 6, plus exactement au locus DQA1 en 6p21, à 32 mégabases de l’extrémité 5’ du chromosome 6. Ce résultat permet de relier le syndrome néphrotique idiopathique à la capacité de synthétiser des anticorps antiEBNA-1.

Rubicz R, Yolken R, Drigalenko E, Carless MA, Dyer TD, Bauman L, Melton PE, Kent JW Jr, Harley JB, Curran JE, Johnson MP, Cole SA, Almasy L, Moses EK, Dhurandhar NV, Kraig E, Blangero J, Leach CT, Göring HH. A genome-wide integrative genomic study localizes genetic factors influencing antibodies against Epstein-Barr virus nuclear antigen 1 (EBNA-1). PLoS Genet. 2013;9(1):e1003147

Article n°4 : Les cellules B mémoires sont associées à la rémission après traitement stéroïdien d’une poussée de la maladie et à la rechute des formes corticodépendantes après traitement par déplétion B.

Dans une première étude, la reconstitution des cellules B par sous-type a été suivie après une cure de rituximab destinée à induire une déplétion B circulante complète. La reconstitution des cellules B mémoires est significativement liée à la rechute du syndrome néphrotique, en particulier les cellules B mémoires avec un switch-IgG alors que l’évolution des cellules B naïves et des cellules T sont identiques en cas de rechute ou de rémission. Le seuil de rechute a été statistiquement calculé à 1,7 BM/mm3, 9 mois après l’injection de rituximab.

Dans une deuxième étude, 14 malades avec un syndrome néphrotique cortico-sensible ont été suivis pendant 6 mois, 3 mois pendant le traitement stéroïdien prescrit pour une rechute et 3 mois après l’arrêt. Tous les malades sont restés en rémission pendant la durée de l’étude. L’arrêt du traitement stéroïdien a été suivi d’un abaissement du nombre de cellules B mémoires pendant les 3 mois de surveillance sans rechute.

1. Colucci M, Carsetti R, Cascioli S, Casiraghi F, Perna A, Ravà L, Ruggiero B, Emma F, Vivarelli M. B Cell Reconstitution after Rituximab Treatment in Idiopathic Nephrotic Syndrome. J Am Soc Nephrol. 2015 Nov 13 Epub ahead of print
2. Baris HE, Baris S, Karakoc-Aydiner E, Gokce I, Yildiz N, Cicekkoku D, Ogulur I, Ozen A, Alpay H, Barlan I. The effect of systemic corticosteroids on the innate and adaptive immune system in children with steroid responsive nephrotic syndrome. Eur J Pediatr. 2016 Jan 30. Epub ahead of print

Article n°5 : Persistance du virus EBV dans les cellules B mémoires auto-réactives.

Le groupe de David Thorley-Lawson travaille sur l’infection à virus EBV depuis 30 ans. Une série de publications des années 2005 a pu démontrer que le gite de la latence EBV (le « default latency program ») était situé dans le compartiment des cellules B mémoires périphériques. Ces cellules B mémoires contenant le virus EBV passent complètement inaperçues car elles expriment les mêmes spécificités moléculaires que les cellules B mémoires physiologiquement sélectionnées par la voie classique des antigènes. Dans un dernier travail publié en 2012, David Thorley-Lawson a cependant pu démontrer que les cellules B mémoires contenant le génome du virus EBV avaient une capacité auto-réactive bien supérieure aux cellules B mémoires physiologiques.

Thorley-Lawson DA. EBV Persistence–Introducing the Virus. Curr Top Microbiol Immunol. 2015;390(Pt 1):151-209
Tracy SI, Kakalacheva K, Lünemann JD, Luzuriaga K, Middeldorp J, Thorley-Lawson DA. Persistence of Epstein-Barr virus in self-reactive memory B cells. J Virol. 2012 Nov;86(22):12330-40

Article bonus: Les podocytes utilisent le FcRN pour éliminer les immunoglobulines de la membrane basale glomérulaire.

L’article n’est plus tout jeune mais il prend un éclairage nouveau grâce aux résultats des 5 articles présentés dans cette veille bibliographique. Les auteurs ont voulu comprendre pourquoi le filtre moléculaire du diaphragme de fente n’était pas obstrué par les protéines de haut poids moléculaires qui arrivaient à franchir la membrane basale glomérulaire. Ils apportent une démonstration claire pour les immunoglobulines dont les podocytes assurent le transport intracellulaire via le récepteur néonatal des immunoglobulines. Ce dispositif internalise des immunoglobulines entières et il est spéculé dans la figure 1 que les anticorps anti-EBNA-1 ont la capacité de neutraliser des molécules internes au podocytes dans des conditions spécifiques à chaque malade

Akilesh S1, Huber TB, Wu H, Wang G, Hartleben B, Kopp JB, Miner JH, Roopenian DC, Unanue ER, Shaw AS. Podocytes use FcRn to clear IgG from the glomerular basement membrane. Proc Natl Acad Sci U S A. 2008 Jan 22;105(3):967-72.

EN RÉSUMÉ, la figure intègre les articles dans un schéma physiopathologique.

 

 

Mise en ligne : 15/03/2016

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