Qu’est-ce que la Polykystose Rénale Autosomique Récessive ?

 

La polykystose rénale récessive est une maladie touchant le rein et le foie, se manifestant habituellement dès le début de la vie, d’où son ancienne dénomination de polykystose « infantile », par opposition à la polykystose dominante qui s’observe principalement chez l’adulte.

 

La polykystose récessive est beaucoup plus rare que la polykystose dominante de l’adulte. Elle touche environ un enfant sur 20 000, sans distinction de sexe.

La polykystose récessive est une maladie d’origine génétique ; un seul gène semble en cause, PKHD1, situé sur le chromosome 6, qui code pour une protéine (nommée « polyductine » ou « fibrocystine ») agissant au niveau du « cil primaire » (sorte d’antenne localisée au sommet de chaque cellule) des cellules des tubule rénaux et des canaux biliaires.

Comme son nom l’indique, la polykystose récessive se définit par sa transmission récessive autosomique, c’est-à-dire que l’enfant doit avoir reçu 2 copies du gène muté, une de chacun des deux parents,  pour que les lésions rénales et hépatiques se développent.

La polykystose récessive est caractérisée, dans les reins, par la dilatation kystique de la partie terminale des tubules rénaux, les « tubes collecteurs » conduisant l’urine ; ces kystes donnent à la zone profonde du rein (« médullaire ») un aspect spongieux, et aboutissent  progressivement à la destruction du tissu rénal comprimé par les kystes. L’étendue de ces lésions dans les reins conditionne la gravité de la maladie.

Dans le foie, les lésions sont  également d’extension variable. La maladie est définie par la présence de multiples canaux biliaires dilatés au sein des « espaces-porte » (où sont regroupés canaux et vaisseaux) ; cette lésion est  dénommée « fibrose hépatique congénitale » (ou « fibro-adénomatose des voies biliaires »), et entraîne un ralentissement de la circulation sanguine dans la veine porte (« hypertension portale »).

La polykystose rénale est maintenant presque toujours découverte pendant la grossesse, en raison d’une augmentation de taille des reins à l’échographie fœtale.  Ceux-ci sont plus « denses » que normalement à cause des kystes microscopiques (« gros reins hyperéchogènes »). Dans les formes les plus graves, les énormes reins ne fabriquent pas assez d’urine, entraînant un déficit de liquide amniotique (oligo ou anamnios), et empêchent le développement des poumons, aboutissant au décès in utero ou à la naissance.

Dans les formes moins sévères (1/3 des cas environ), l’enfant naît avec de gros reins palpables à l’examen de l’abdomen, et une insuffisance rénale plus ou moins importante, pouvant entraîner des troubles de l’alimentation et de la croissance. L’insuffisance rénale va souvent s’améliorer dans les premières années de vie, puis se ré-aggraver ultérieurement. Une hypertension artérielle est fréquente, surtout dans les premières années, et représente la plus grave complication de la PKR dans la petite enfance. Des pyélonéphrites (infection du rein) peuvent survenir.

L’atteinte du foie est également de gravité variable, non corrélée à la gravité de l’atteinte rénale. Elle est le plus souvent complètement asymptomatique, surtout au début de la vie. La palpation peut permettre de constater une « hépatomégalie » (augmentation de volume du foie).

En période prénatale, le diagnostic de « gros reins hyperéchogènes » (GHRE) est le plus souvent porté sur la deuxième échographie fœtale, à 22 semaines, parfois plus tardivement si les lésions sont moins diffuses, parfois plus tôt (18-20 semaines) en cas d’antécédent familial. La PKR est en général le premier diagnostic envisagé en présence de GRHE, mais en réalité cet aspect peut révéler bien d’autres pathologies rénales accompagnées de kystes (surtout polykystose dominante de révélation précoce et anomalies rénales dues à des mutations du gène HNF1b) et on ne peut affirmer le diagnostic avant la naissance, sauf si la maladie est déjà connue dans la fratrie.

Diagnostic génétique

Dans les familles où existe un premier cas de polykystose récessive, on peut envisager pour les prochaines grossesses un diagnostic génétique prénatal chez le fœtus à partir d’un prélèvement de villosités choriales fait vers la 12ème semaine de grossesse, mais seulement à condition d’un diagnostic certain chez le premier enfant et d’une étude préalable de l’ADN de celui-ci et des parents.

Après la naissance

L’échographie rénale, faite dès les premiers jours de vie, confirme la grande taille des reins et l’hyperéchogénicité due aux microkystes, diffuse ou à prédominance médullaire. Cet aspect n’étant pas spécifique, il peut être utile, en cas de doute, de réaliser dans les premières années de vie un scanner ou une IRM des reins pour mettre en évidence les dilatations kystiques fusiformes de la médullaire caractéristiques de la PKR.

L’échographie hépatique peut conforter le diagnostic en montrant un foie augmenté de volume et inhomogène. Les signes d’hypertension portale ne sont habituellement pas présents au début de la vie. Mais seront à rechercher systématiquement lors des contrôles ultérieurs.

Cependant seule l’étude génétique, possible dans quelques laboratoires de diagnostic moléculaire, pourra affirmer le diagnostic par la découverte d’une mutation du gène PKHD1, retrouvée dans près de 80% des cas étudiés.

Le risque principal de la polykystose rénale récessive est l’insuffisance rénale ; celle-ci va souvent s’améliorer dans les premières années de vie, puis se réaggraver progressivement au cours des décennies suivantes, de façon très variable selon les cas puisque seulement 50 % de ces patients ont besoin de dialyse et/ou transplantation avant l’âge de 20 ans. Une hypertension artérielle est souvent présente, surtout dans les premières années, et son traitement efficace permet de ralentir la progression de l’insuffisance rénale. Lorsque celle-ci atteint le stade terminal, la transplantation rénale permet de remplacer les reins malades par un organe sain, qui ne risque pas de développer des kystes puisque le génome de ses cellules est normal.

L’atteinte hépatique est le plus souvent inapparente dans la première décennie, mais à la longue elle peut entraîner une hypertension portale , avec un risque d’hémorragie digestive (en particulier de saignement de varices œsophagiennes), et des infections graves des voies biliaires (cholangites). Il n’y a jamais d’insuffisance hépatocellulaire, c’est-à-dire de défaillance globale des fonctions hépatiques.

Suivant le degré de gravité de l’atteinte rénale, l’enfant porteur de la PKR peut être soumis à un régime alimentaire contraignant et être limité dans ses capacités physiques comme tout enfant porteur d’une insuffisance rénale ; le handicap sera surtout notable au stade d’insuffisance rénale avancée nécessitant dialyse et/ou transplantation. L’atteinte hépatique n’entraîne pas de handicap si l’hypertension portale est correctement traitée.

Les traitements de la PKR sont purement symptomatiques ; il n’y a pas encore de possibilité d’empêcher le développement des kystes.

L’atteinte rénale comporte presque toujours, au début de la vie, une hypertension artérielle, qui nécessite la prescription d’hypotenseurs puissants. Le reste du traitement dépend du degré d’insuffisance rénale. Lorsque celle-ci est absente, aucun traitement ni régime n’est nécessaire. Lorsque la filtration glomérulaire (FG) diminue au dessous de 60 ml/mn/1,73 m2, le traitement (diététique et supplémentation médicamenteuse) est celui de toute insuffisance rénale chronique. Au-dessous de 20 ml/mn de FG, le programme d’hémodialyse-transplantation doit être organisé, la transplantation rénale « préemptive » (avant que la dialyse ne devienne nécessaire) étant à privilégier dans cette maladie lentement évolutive.

L’atteinte hépatique étant le plus souvent asymptomatique, elle ne nécessite habituellement aucun traitement en dehors des complications. En cas d’hypertension portale, Il faut rechercher régulièrement les varices œsophagiennes par fibroscopie (endoscopie œsogastrique)  et les scléroser dès leur apparition, de façon répétitive si besoin ; un traitement préventif par bêta-bloquants peut être justifié. Dans de rares cas une dérivation du sang de la veine porte ou une greffe de foie peuvent être indiquées. Les infections des voies biliaires (cholangite ou angiocholite) requièrent la mise en route rapide d’une antibiothérapie intraveineuse puissante.

La surveillance de l’atteinte rénale repose essentiellement sur les examens biologiques permettant d’apprécier la fonction rénale (ionogramme sanguin, dosage de la créatinine sanguine et estimation de la « clearance de créatinine »), et sur la surveillance régulière de la pression artérielle. La fréquence des contrôles dépend du niveau de la fonction rénale ; un suivi spécialisé par un Pédiatre-Néphrologue est indispensable à intervalle plus ou moins rapproché suivant les cas.

En ce qui concerne l’atteinte hépatique, une surveillance échographique régulière du foie et de l’estomac est nécessaire ; si des signes d’hypertension portale apparaissent, un suivi en Hépatologie pédiatrique, avec contrôles fibroscopiques réguliers, doit être mis en place.

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Rédaction : Marie-France GAGNADOUX, Paris-Necker

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