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Acidoses tubulaires rénales

L’acidose est définie par un taux excessif d’acides dans le sang ; celui-ci est normalement alcalin (pH* supérieur à 7), du fait de la présence de substances « tampons » (ou « bases »), en particulier les bicarbonates. Le pH sanguin normal est compris entre 7,35 et 7,45 ; le taux normal des bicarbonates sanguins se situe entre 22 et 28 millimoles (mmol) par litre de sang, selon l’âge. En pratique, on parle d’acidose « métabolique » lorsque le taux des bicarbonates est inférieur aux normes de l’âge, du fait d’une accumulation d’acides ou d’une perte anormale de bicarbonates. Une augmentation du Chlore sanguin compense habituellement la diminution des bicarbonates, pour rétablir l’équilibre « acide-base » (acidose dite « hyperchlorémique »).

Le tubule rénal a un rôle essentiel dans le maintien du pH sanguin, à la fois par la réabsorption des bicarbonates de l’urine initiale et par la sécrétion et l’élimination des protons (acides) dans l’urine finale, et la plupart des acidoses métaboliques sont dues à un dysfonctionnement du tubule rénal, soit dans sa partie « proximale »* (réabsorption des bicarbonates), soit plus souvent dans sa partie « distale »*(sécrétion des acides) (voir notions d’anatomie).

 

Les acidoses tubulaires proximales

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sont dues à une fuite urinaire des bicarbonates par défaut de réabsorption, qui s’intègre habituellement dans un déficit plus généralisé des fonctions du tubule proximal (« syndrome de Fanconi »), d’origine génétique (cystinose, syndrome de Lowe…) ou acquise (toxiques, en particulier médicamenteux). Les acidoses proximales isolées sont exceptionnelles ; une forme associée à des anomalies oculaires (cataracte, glaucome, anomalies cornéennes), de transmission récessive autosomique*, est causée par les mutations d’un gène (SLC4A4) d’un cotransporteur sodium-bicarbonate de la cellule tubulaire proximale.

Dans les acidoses proximales, les urines peuvent s’acidifier normalement (pH inférieur à 5,5) si le taux sanguin des bicarbonates s’abaisse au-dessous d’une valeur « seuil » (de 22 à 26 mmol suivant l’âge).

 

Les acidoses tubulaires distales

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sont caractérisées par un trouble de l’acidification des urines, qui s’effectue dans la partie terminale du tubule. Il s’agit le plus souvent d’un défaut de sécrétion urinaire des ions acides ou protons (qui s’évalue par le dosage de l’ammonium et de «l’acidité titrable » urinaires). En conséquence, dans les acidoses distales, le pH urinaire ne descend pas au-dessous de 5,5, même en cas d’acidose profonde.

Elles peuvent être acquises, en particulier dans les uropathies obstructives de l’enfant ou au cours de certaines maladies « auto-immunes » de l’adulte ; mais elles sont plus souvent d’origine génétique et découvertes dans l’enfance. Il en existe plusieurs variétés, dues à des mutations dans différents gènes intervenant au niveau des cellules du tube « collecteur », partie terminale du tube rénal.

La plupart sont de transmission récessive autosomique, causées par la mutation des 2 copies de l’un des gènes codant des composants de la « pompe à protons** », (ATP6V0A4 ou ATP6V1B1). Comme ces gènes sont exprimés aussi dans l’oreille interne, ces 2 formes peuvent s’accompagner de surdité, plus fréquente dans les mutations d’ATP6V1B1.

Les formes dominantes* sont plus rares, et liées à des mutations du gène SLC4A1 codant l’échangeur Chlore/bicarbonate AE1 des cellules du tube collecteur ; elles ne s’accompagnent pas de surdité, mais peuvent être associées à des anomalies des globules rouges (ovalocytose et sphérocytose) car cet échangeur est aussi présent dans ces cellules. Les mutations responsables des anomalies des globules rouges sont de localisation différente des mutations responsables d’acidose tubulaire. Cette association a été décrite dans le sud-est asiatique où l’ovalocytose est fréquente.

 

Symptomatologie

Chez l’enfant, âge où se révèle la majorité des acidoses tubulaires génétiques, l’acidose est mal tolérée et se manifeste par des vomissements, une polyurie avec déshydratation, ou au minimum une mauvaise croissance en poids et taille. Une hypokaliémie (diminution du potassium sanguin) est habituellement associée à l’acidose. Dans les urines, il existe une hypercalciurie (élimination excessive de calcium, due à une libération de calcium par l’os sous l’effet de l’acidose) et une diminution de l’excrétion de citrate; le risque de l’hypercalciurie, en l’absence de traitement, est le développement de lithiases (calculs rénaux) et de néphrocalcinose (dépôts calciques dans les reins,), qui sont parfois les signes révélateurs de la maladie chez l’adulte.

 

Traitement

Tous ces symptômes peuvent heureusement être facilement évités si le diagnostic est fait précocement, car l’acidose métabolique se corrige facilement en « alcalinisant » le sang grâce à une supplémentation en bicarbonates par voie orale. Le bicarbonate de sodium, ou de potassium s’il existe une hypokaliémie, est donné en poudre, gélules, ou dilué dans l’eau, à des doses variables selon le type d’acidose et l’âge, réparti en plusieurs prises par jour ; le citrate de sodium ou de potassium peut aussi être utilisé. Dans les acidoses distales avec hypercalciurie, l’efficacité du traitement doit être appréciée non seulement sur le taux de bicarbonate sanguin, mais aussi sur la calciurie, qui doit être normalisée ou presque. Le traitement alcalinisant doit être évidemment poursuivi tout au long de la vie dans les acidoses d’origine génétique.

* : voir notions de génétique

** : protons : ions H+ responsable du degré d’acidité

 

Le(s) gène(s) en cause

ATPV0A4 (ATP6N1B) (récessive avec surdité)

SLC4A1 (dominante)