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Maladies rares : extension du phénotype de la maladie de Dent grâce à une large cohorte française

  • Pr Jérôme HARAMBAT, Dr Astrid GODRON

  

La maladie de Dent (MD) est une tubulopathie d’origine génétique caractérisée par une protéinurie de bas poids moléculaire, une hypercalciurie pouvant se compliquer d’ostéomalacie, des lithiases urinaires, et une néphrocalcinose. L’atteinte tubulaire proximale peut être plus sévère entrainant parfois un syndrome de Fanconi. La MD peut évoluer progressivement vers l’insuffisance rénale. La maladie est causée par des mutations des gènes CLCN5 (MD de type 1) et OCRL1 (MD de type 2) tous deux portés par le chromosome X, de telle sorte que la MD touche presqu’exclusivement les garçons. Environ un quart des patients avec MD n’ont pas de mutations de ces gènes.

  

La plus importante cohorte mondiale de MD (109 patients masculins avec MD de type 1, et 9 avec MD de type 2) dont le diagnostic génétique est réalisé de façon centralisée en France vient d’être rapportée. La force de cette étude, outre la taille de la population étudiée, est le caractère exhaustif au niveau national et le suivi longitudinal des patients permettant de décrire précisément le phénotype de la maladie et son évolution au cours du temps.

  

L’âge médian au diagnostic était de 11 ans pour les (étendue interquartile 5-21 ans) et 6 ans pour les MD de type 2. Au diagnostic, une néphrocalcinose était présente dans plus de 40% des MD de type 1 et un tiers avait des lithiases. En plus d’une protéinurie de bas poids moléculaire et d’une hypercalciurie, 10% des patients avec MD de type 1 présentaient un syndrome de Fanconi complet et près des 3/4 un syndrome de Fanconi incomplet (une ou plusieurs anomalies tubulaires proximales parmi aminoacidurie, glycosurie, phosphaturie, hypouricémie, hypokaliémie, acidose). La durée de suivi médiane de la cohorte était de 6,5 ans (de quelques mois à plus de 30 ans). Près d’un tiers des patients avaient un retard de croissance staturale au diagnostic et la taille finale était de 173 cm chez 26 adultes. La protéinurie de bas poids moléculaire était de rang néphrotique dans environ 50% des cas et restait élevée dans le même ordre de grandeur au cours du temps, même en cas d’insuffisance rénale progressive. Le reste du phénotype rénal se modifie en revanche avec l’âge et le déclin du débit de filtration glomérulaire (DFG).

  

L’hypercalciurie tend à régresser au cours du temps et était présente chez 2/3 des patients de moins de 30 ans mais seulement chez 15% après l’âge de 30 ans. L’hypohosphatémie devient apparente à partir de l’âge de 12 ans et persiste à l’âge adulte. Les concentrations en 1,25-hydroxyvitamine D restent dans la normale ou les valeurs supérieures de la normale notamment durant l’enfance et l’adolescence, probablement stimulées par l’hypophosphatémie. La kaliémie décroit avec l’âge de telle sorte que la moitié des patients adultes avaient une hypokaliémie malgré de la baisse du DFG. 12 patients avec MD de type 1 on atteint le stade d’insuffisance rénale terminale à un âge moyen de 40 ans (11% de l’ensemble des patients mais 50% de ceux de plus de 30 ans). Selon des modèles mathématiques, l’âge moyen de survenue de l’insuffisance rénale terminale dans la MD se situerait autour de 53-54 ans. La présence d’une néphrocalcinose était associée de façon non statistiquement significative à un déclin plus rapide du DFG (-1,6 ml/min/1,73 m² par an contre -1 ml/min/1,73 m² par an en l’absence de néphrocalcinose). Aucune association entre génotype et phénotype n’a pu être mise en évidence.

  

Le traitement est symptomatique et n’a montré aucun effet sur l’évolution de la maladie mais la nature rétrospective de cette cohorte empêchait d’évaluer l’efficacité des diverses thérapeutiques utilisées.

  

En conclusion, cette large cohorte française permet d’étendre le phénotype clinique et de mieux comprendre l’histoire naturelle de la maladie de la maladie de Dent.

Blanchard A, Curis E, Guyon-Roger T, Kahila D, Treard C, Baudouin V, Bérard E, Champion G, Cochat P, Dubourg J, de la Faille R, Devuyst O, Deschenes G, Fischbach M, Harambat J, Houillier P, Karras A, Knebelmann B, Lavocat MP, Loirat C, Merieau E, Niaudet P, Nobili F, Novo R, Salomon R, Ulinski T, Jeunemaître X, Vargas-Poussou R. Observations of a large Dent disease cohort. Kidney Int 2016;90:430-9
 

Mise en ligne : 24/10/2016

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