Retour à la page du CRMR Marhea

Cystinose

La cystinose (à ne pas confondre avec la cystinurie, maladie responsable de calculs rénaux) est une maladie métabolique rare caractérisée par l’accumulation de cystine dans différents organes. Cette « thésaurismose » (accumulation) de cystine résulte d’un défaut de transport de cet acide aminé hors des lysosomes; la cystine s’accumule alors dans ces petites formations cellulaires spécialisées dans le « nettoyage » de la cellule, et forme alors des cristaux, qui détruiront progressivement la cellule. La cystinose fait partie des nombreuses « maladies lysosomales ».

Les organes les plus précocément atteints sont le rein et l’œil, puis sont progressivement touchés la thyroïde, le pancréas, le foie, la rate, les muscles et enfin le système nerveux.

 

Génétique

Le défaut du transporteur de cystine est d’origine génétique et se transmet sur le mode récessif autosomique (voir « Notion de base en génétique »). Le transporteur de cystine impliqué dans la cystinose est une protéine de la membrane lysosomale, la cystinosine ; elle est codée par le gène CTNS, situé sur le chromosome 17. Les différentes mutations de CTNS (près d’une centaine actuellement décrites) sont réparties de manière variable suivant les pays ; en Europe du Nord et en France, la mutation comportant une « délétion » (perte d’un fragment) de 57 kb (kilobases), emportant une grande partie du gène, est responsable d’environ 2/3 des cas. Les conséquences de ces mutations sont d’autant plus sévères qu’elles induisent un déficit plus complet en cystinosine ; la présence de la délétion « européenne » à la fois sur les chromosomes paternel et maternel (d’ou absence totale de cystinosine) entraîne les formes les plus précoces, alors que la présence d’une mutation moins sévère sur l’un des 2 chromosomes induit des formes à révélation plus tardive.

La cystinose est une maladie rare touchant environ un enfant sur 200 000, un peu plus fréquente dans certaines populations (Bretagne par exemple). Elle semble présente dans tous les pays.

 

Diagnostic

Symptômes

La cystinose se présente sous 3 formes différentes, la forme infantile, de très loin la plus fréquente, débutant dès les premiers mois, la forme juvénile, plus rare, de début plus tardif, et la forme de l’adulte, uniquement oculaire, très rare.

La cystinose infantile débute après l’âge de 3 à 6 mois, par les symptômes de l’atteinte rénale qui affecte d’abord les cellules des tubules rénaux. Ces cellules perdent leur pouvoir de réabsorption, entraînant une fuite d’eau, de sodium, potassium, bicarbonates, calcium, phosphate, glucose, dans les urines, appelée « syndrome de De-Toni-Debré-Fanconi » ; il en résulte une déshydratation chronique avec anorexie, vomissements, fièvre, et rapidement arrêt de croissance, puis une hypotonie et un rachitisme en cas de diagnostic tardif. En l’absence de traitement adéquat, l’atteinte rénale conduit à une insuffisance rénale dite « terminale », nécessitant dialyse et greffe, avant l’âge de 12 ans. L’atteinte oculaire est également précoce et se manifeste d’abord par des cristaux de cystine dans la cornée entraînant une photophobie et un larmoiement, puis une gêne visuelle importante. Les dépôts de cystine dans la rétine se manifestent plus tardivement mais peuvent entraîner une cécité. Les autres organes sont atteints plus tardivement : hypothyroïdie et diabète dans la deuxième décennie, infiltration du foie et de la rate avec destruction des plaquettes sanguines, déficit musculaire, troubles de la déglutition et possible atteinte neurologique à l’âge adulte.

La forme juvénile est beaucoup plus rare ; elle débute généralement dans la deuxième décennie, avec des symptômes tubulaires moins intenses, mais elle aboutit également à l’insuffisance rénale terminale, à l’adolescence ou à l’âge adulte.

La forme « adulte » caractérisée par une atteinte exclusivement oculaire, est très rare et n’a pas la même gravité que la cystinose de l’enfant.

 

Confirmation du diagnostic

Biologie

Les examens biologiques de « débrouillage » demandés devant les symptômes cliniques de la cystinose infantile vont montrer les perturbations sanguines (baisse des bicarbonates, du potassium, du sodium, du phosphore) et urinaires (présence de sucre et de protéines) caractéristiques du syndrome de De-Toni-Debré-Fanconi. La cystinose est la première cause de ce syndrome chez l’enfant, et la découverte de telles perturbations doit conduire le pédiatre à demander un dosage de « cystine intraleucocytaire », c’est-à-dire dans les globules blancs du sang, où le dosage de la cystine est le plus facile. Cependant cet examen délicat, qui nécessite la séparation préalable des leucocytes, ne peut être réalisé que dans quelques laboratoires spécialisés habilités. Les taux observés chez les enfants atteints sont 10 à 15 fois supérieurs au taux normal, tandis que les parents, porteurs d’un seul gène muté (hétérozygotes), ont un taux intermédiaire. En attendant le résultat du dosage, la médecin peut s’aider de l’examen oculaire : l’examen de la cornée à la « lampe à fente » peut permettre de mettre en évidence les cristaux de cystine, s’ils sont déjà assez nombreux.

 

Diagnostic génétique

En présence d’un taux de cystine indiscutablement pathologique, la mise en évidence des mutations du gène CTNS par les techniques de biologie moléculaire n’est pas indispensable. Cependant, en Europe du Nord où la délétion « 57-kb » est en cause dans 70% des cas, il est parfois plus facile et rapide de rechercher directement cette mutation sur le chromosome 17 que de faire réaliser un dosage de la cystine intraleucocytaire… D’autre part, la détermination de la mutation en cause dans une famille sera indispensable si la famille est demandeuse d’un diagnostic prénatal lors d’une grossesse ultérieure. En effet un tel diagnostic est réalisable sur les villosités choriales du placenta, à partir des 10-12ème semaines de grossesse, à condition que l’on connaisse préalablement les mutations en cause.

 

Traitement et évolution

Traitement symptomatique

Chez le nourrisson, la constatation d’un syndrome de De-Toni-Debré-Fanconi nécessite la compensation des pertes urinaires en eau, bicarbonate, sodium, potassium, phosphore, par des suppléments régulièrement répartis au cours de la journée, administrés la nuit par sonde gastrique ou gastrostomie (petit appareillage reliant directement l’estomac à la paroi abdominale). On s’aide souvent aussi de l’indométhacine (INDOCID®), qui diminue les fuites tubulaires. La supplémentation en vitamine D active permet de retenir le phosphore et d’éviter le rachitisme. La fuite urinaire de carnitine, nécessaire au fonctionnement musculaire, doit être compensée par une supplémentation orale. Un déficit éventuel en hormone thyroïdienne doit être également compensé par la prise de thyroxine.

Si la croissance reste insuffisante malgré la correction des fuites tubulaires, un traitement par l’hormone de croissance peut être nécessaire.

Enfin, au stade d’insuffisance rénale avancée, les traitements de substitution de la fonction rénale par la dialyse et surtout la greffe rénale s’imposent comme chez tout insuffisant rénal.

La greffe rénale a un très bon taux de succès dans la cystinose, et la maladie ne récidive pas sur le greffon (dont les lysosomes sont normaux). Mais on peut espérer que ces traitements ne soient plus nécessaires à l’avenir grâce au développement d’un traitement spécifique qui prévient l’accumulation de cystine dans les organes.

 

Traitement spécifique

En effet, l’évolution de la cystinose a été transformée à partir des années 90 par l’utilisation de la cystéamine, une molécule soufrée qui diffuse dans le lysosome et y forme avec la cystine un complexe capable de sortir du lysosome sans l’aide de la cystinosine, évitant ainsi l’accumulation de cystine dans les cellules. Ce traitement doit être mis en route dès que le diagnostic de la maladie est porté, et doit être poursuivi indéfiniment, malgré ses inconvénients.

La seule forme actuellement disponible est le CYSTAGON? , sous formes de gélules ou de poudre, qui doit être pris à intervalle rapproché (toutes les 6h, y compris la nuit) ; une forme d’élimination plus lente (prise toutes les 12h) devrait être disponible prochainement . La dose est progressivement augmentée de 10 à 50 mg/kg, en l’adaptant au dosage de la cystine intraleucocytaire, et à la tolérance de l’enfant ; en effet, les effets secondaires digestifs ne sont pas rares, ainsi qu’une odeur soufrée de l’haleine, souvent très gênante pour les jeunes mais qui peut être atténuée par l’utilisation de produits désodorisants de l’haleine, disponibles en pharmacie.

La cystéamine est également disponible sous forme de collyre, pour prévenir les dépôts intracornéens, sur lesquels la forme orale de la molécule n’a pas d’action ; mais il nécessite 5 ou 6 instillations quotidiennes pour être pleinement efficace.

La cystéamine, orale et oculaire, n’est disponible que dans les pharmacies hospitalières.

 

Evolution sous cystéamine

On dispose maintenant d’un recul suffisant, supérieur à 15 ans de traitement chez de nombreux patients, pour pouvoir affirmer que lorsque le traitement par cystéamine a été instauré suffisamment tôt (premières années de vie) et bien suivi, les principales complications extra-rénales peuvent être évitées et la survenue de l’insuffisance rénale terminale, au minimum retardée jusqu’à l’âge adulte, voire peut-être même évitée à l’avenir. Ainsi l’on peut raisonnablement espérer que les enfants diagnostiqués au XXIème siècle atteindront l’âge adulte sans complications majeures. Mais le principal obstacle à cette évolution favorable est la mauvaise acceptation des contraintes du traitement, à l’adolescence et au début de l’âge adulte, qui aboutit à un traitement irrégulier, donc moins efficace. Les recherches se poursuivent donc pour diminuer le nombre de prises quotidiennes, améliorer la tolérance et diminuer les effets secondaires.

 

Le(s) gène(s) en cause

  • CNTS