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Comparaison du traitement par Tacrolimus versus Mycophenolate mofetil dans le traitement d’induction de la néphropathie lupique : étude contrôlée randomisée et suivi au long cours

Mok CC, Ying KY, Yim CW, et al.  Tacrolimus versus mycophenolate mofetil for induction therapy of lupus nephritis : a randomised controlled trial and long-term follow-up. Ann Rheum Dis 2016;75:30-36

  • Pr Stéphane DECRAMER, Dr Stéphanie TELLIER

Cette étude ouverte, prospective, randomisée, compare l’efficacité du tacrolimus (TAC) et du mycophenolate mofetil (MMF) dans le traitement initial de la néphropathie lupique en évaluant la survenue de rechute de la maladie et l’évolution de la fonction rénale.

 

150 patients vivant en Chine, âgés de plus de 18 ans, remplissant au moins 4 des critères ACR du lupus érythémateux disséminé et ayant une biopsie rénale montrant une maladie active (classes III/IV/V) ont été inclus. Les patients ayant une créatininémie >200 µmol/L ont été exclus.

 

Tous les patients recevaient de la prednisolone à 0.6 mg/kg/jour pendant 6 semaines avec une décroissance ensuite de 5mg/jour toutes les semaines jusqu’à une dose < 10 mg/jour maintenue en continue au long cours. Les patients étaient ensuite divisés en 2 groupes, dans le premier ils recevaient du MMF en association à la dose de 2g/jour, augmenté à 3g/jour en cas de réponse clinique insuffisante à 1 mois, en 2 prises, pendant 6 mois et dans le second groupe ils recevaient du TAC à la dose initiale de 0.1 mg/kg/jour en 2 prises qui était diminué à 0.06 mg/kg/jour si la réponse clinique était satisfaisante à 1 mois. L’objectif de taux résiduel de TAC était >5 ng/ml. Les bons répondeurs recevaient ensuite de l’azathioprine à 2 mg/kg/jour en relais pendant 5 ans dans les 2 groupes. Les mauvais ou non répondeurs recevaient un traitement par cyclophosphamide (per os ou IV) pendant 6 mois associé à une corticothérapie à forte dose pendant 6 semaines puis décroissance progressive.

 

Le critère principal d’évaluation était la réponse rénale complète (CR) à 6 mois et les critères d’évaluation secondaires étaient la réponse rénale partielle (PR), l’absence de réponse rénale (NR), les rechutes rénales,  l’altération de la fonction rénale (diminution de la filtration glomérulaire ≥30% ou évolution vers l’insuffisance rénale chronique de stade 4 ou 5) et la mortalité. L’activité de la maladie était évaluée par le score SELENA-SLEDAI.

 

Parmi les 150 patients, 92% étaient des femmes, l’âge moyen était de 35.5 +/-12.8 ans, 81% des néphropathies étaient des stades III/IV, 67% avaient une clairance de la créatinine < 90ml/min, 43% avaient un syndrome néphrotique, 76 patients recevaient du MMF et 74 du TAC. Le taux résiduel de TAC moyen était de 7.8 +/-3.9 ng/ml (médiane 7.0)

 

A 6 mois, le taux de CR était de 59% dans le groupe MMF et 62% dans le groupe TAC (différence 3% (-12%, 18%), p=0.71). Bien qu’il n’y avait pas de modification significative de la clairance de la créatinine chez les patients traités par TAC (p=0.78), ceux traités par MMF avaient une clairance qui s’améliorait de façon significative au cours du temps (p<0.001).

 

Des épisodes infectieux majeurs sont survenus chez 9.2% des patients traités par MMF et 5.4% des patients traités par TAC (p=0.53).

 

Le traitement d’entretien par azathioprine a été donné à 79% des patients. Après 60.8 +/- 26 mois, une récidive de protéinurie et une rechute de syndrome néphrotique survenaient respectivement chez 24 % et 18% des patients traités par MMF et 35% (p=0.12) et 27% (p=0.21) des patients traités par TAC. L’incidence cumulée d’un score de devenir associant une diminution de la clairance de la créatinine ≥ 30%, la survenue d’une insuffisance rénale chronique de stade 4/5 ou le décès à 5 ans était de 21% dans le groupe traité par MMF et 22% dans le groupe traité par TAC (p=0.35).

 

Dans le sous-groupe des glomérulopathies mésangiales, le TAC apparaissait être plus efficace que le MMF (respectivement  100% de CR ou PR vs 75%, p=0.09) mais la taille de l’échantillon de ce sous-groupe était insuffisante pour pouvoir conclure à une différence.

 

Les principales limites de cette étude sont le fait que ce soit une étude ouverte et  que le switch vers l’azathioprine se fasse dès 6 mois de traitement alors que l’on sait que certains patients ont une réponse retardée aux traitements.  Une durée de traitement d’induction étendue à 1 an afin d’évaluer son efficacité pourrait être une meilleure solution.

 

Par ailleurs l’absence de monitoring du MMF (taux résiduel ou AUC) a possiblement participé à sa moindre efficacité en comparaison au TAC.

 

En conclusion, cette étude montre que le TAC n’est pas inférieur au MMF, lorsque ces 2 traitements sont associés à la prednisolone, pour le traitement d’induction des néphropathies lupiques actives. Sous traitement d’entretien par azathioprine pendant 5 ans, il existe une tendance non significative de survenue plus fréquente de rechute rénale et d’altération de la fonction rénale en cas de traitement initial par TAC. Ainsi l’association TAC/corticostéroïdes peut être une alternative au traitement conventionnel par cyclophosphamide ou MMF pour le traitement d’induction de la néphropathie lupique, particulièrement en cas d’intolérance, contre-indication ou résistance à ces traitements.

Mok CC, Ying KY, Yim CW, et al.  Tacrolimus versus mycophenolate mofetil for induction therapy of lupus nephritis : a randomised controlled trial and long-term follow-up. Ann Rheum Dis 2016;75:30-36

Mise en ligne : 10/04/2016

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