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Tubulopathies proximales – Syndrome de Fanconi
Syndromes de Dent et de Lowe – Glycosurie rénale familiale
Le tubule rénal se compose d’un segment initial, le tube proximal, et d’un segment terminal, le tube distal (voir notions d’anatomie). Les cellules du tube proximal assurent la réabsorption de la plus grande partie des substances filtrées par le glomérule* à partir du sang : sels minéraux, glucose et les protéines de petite taille. Lorsque cette fonction de réabsorption est altérée, ces substances se retrouvent dans les urines de façon anormale, avec des conséquences variables suivant le nombre et la nature des substances éliminées en excès.
Lorsque l’ensemble des fonctions de réabsorption est atteint, entraînant une perte globale de bicarbonate, potassium, sodium, calcium, magnésium, phosphore, glucose, acides aminés et protéines, on parle de « syndrome de Fanconi ». Celui-ci peut être d’origine génétique ou acquise. La cause génétique la plus fréquente du syndrome de Fanconi est la cystinose (voir ce chapitre); un syndrome de Fanconi plus ou moins complet peut aussi être observé dans d’autres maladies, en particulier certains troubles du métabolisme, tels l’intolérance au fructose ou la tyrosinémie.
Le syndrome de Fanconi peut également être secondaire à des lésions toxiques des cellules tubulaires, par exemple dues à des médicaments, et il peut alors être réversible à l’arrêt du toxique en cause.
Les fuites plus spécifiques, d’une ou plusieurs substances, sont le plus souvent d’origine génétique, dues à la mutation d’un seul gène codant pour une protéine responsable de la réabsorption de cette substance ou de la régulation de son transport.
Le syndrome de Dent
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transmis selon un mode lié à l’X (voir notions de génétique) associe de façon constante une fuite urinaire de calcium (hypercalciurie) et de protéines de petite taille (protéinurie tubulaire). À celles-ci peut se rajouter de façon aléatoire la perte d’un ou plusieurs autres composants (phosphate, glucose, acides aminés) pouvant alors aboutir à un syndrome de Fanconi. Cette variabilité de présentation explique les autres dénominations données à cette maladie :néphrolithiase liée à l’X, rachitisme hypophosphatémique lié à l’X et protéinurie tubulaire des enfants Japonais.
Dans la plupart des familles, les mutations responsables de la maladie portent sur le gène CLCN5, localisé sur le chromosome X, codant le canal chlore CIC5 localisé dans la membrane des petites organelles intracellulaires intervenant dans la réabsorption des protéines (endosomes).
Dans quelques familles, le syndrôme de Dent est dû à des mutations d’un autre gène, OCRL1 (lui aussi situé sur le chromosome X), qui est impliqué dans le syndrôme de Lowe (voir plus loin). On parle alors parfois de syndrome de Dent de type 2.
Symptomatologie
La maladie de Dent se manifeste chez les garçons par une hypercalciurie responsable de lithiase et de néphrocalcinose (souvent révélatrices), associée à une protéinurie tubulaire (sans conséquences), et parfois à une hypophosphatémie responsable d’un rachitisme. Une insuffisance rénale se développe habituellement vers la troisième décennie. Chez les femmes (porteuses de la mutation sur un de leur 2 chromosome X), les manifestations cliniques sont souvent atténuées (protéinurie tubulaire isolée) ou absentes.
Traitement
Il n’y a pas de traitement spécifique de la maladie. En cas d’hypophosphatémie, une supplémentation en phosphate est nécessaire pour éviter un rachitisme. L’hypercalciurie et ses conséquences peuvent être réduites par un traitement par des diurétiques thiazidiques (en particulier l’hydrochlorothiazide), qui diminuent la perte de calcium au niveau de la cellule proximale mais au prix d’une perte d’eau et de potassium nécessitant une surveillance régulière. De plus il n’est pas démontré qu’ils empêchent l’évolution vers l’insuffisance rénale à long terme.
Le syndrome de Lowe
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(dit aussi syndrome oculo-cérébro-rénal) est également transmis selon un mode lié au chromosome X, dû à une mutation du gène OCRL1. Ce gène code une protéine « OCRL » qui régule le taux cellulaire d’une protéine dite « PIP2 », impliquée dans de nombreuses fonctions cellulaires, en particulier au niveau des cellules du tube proximal, mais aussi dans d’autres organes, ce qui explique la présence de symptômes extra-rénaux.
Symptomatologie
Chez les garçons atteints, il se manifeste précocement par un « syndrome de Fanconi » plus ou moins complet, avec acidose par fuite des bicarbonates (voir acidose tubulaire), hypokaliémie (baisse du potassium sanguin), hypophosphatémie avec rachitisme, perte de sodium et d’eau avec déshydratation, et hypercalciurie. Une insuffisance rénale risque de se développer à l’âge adulte.
Cette tubulopathie proximale est associée à des anomalies oculaires constantes (cataracte congénitale, glaucome..) et cérébrales (hypotonie néonatale, retard intellectuel), qui peuvent grever lourdement l’avenir de ces enfants. Les filles porteuses de la mutation sur un de leurs 2 chromosomes X sont habituellement indemnes de symptômes apparents mais présentent des opacités du cristallin.
Récemment il a été constaté la présence de troubles de la coagulation sanguine pouvant être responsables de saignements anormaux, en particulier après intervention chirurgicale. Des précautions particulières sont nécessaires lorsqu’une intervention est prévue chez un enfant porteur de syndrome de Lowe.
Traitement
Il n’y a pas de traitement spécifique de la maladie. Les traitements de supplémentation permettent de compenser les pertes urinaires en eau, bicarbonate, phosphate, sodium, potassium et d’éviter ainsi les complications liées à leur déficit (retard de croissance, rachitisme..) mais ne peuvent agir sur les anomalies associées ; la cataracte peut être traitée chirurgicalement, mais l’atteinte cérébrale reste encore au-delà des ressources thérapeutiques.
Il existe une association de patients : ASL, Association des parents d’enfants atteints de Syndrome de Lowe (http://www.syndrome-lowe.org/)
La glycosurie rénale familiale ou glycosurie orthoglycémique
(car, contrairement au diabète, la glycémie**est normale) est plus une anomalie (très rare) qu’une maladie. En effet la présence de sucre dans les urines (glycosurie) est due dans cette maladie à un défaut isolé de réabsorption du glucose dans le tubule rénal, qui n’a aucune conséquence pathologique, même à long terme. Le taux de sucre dans le sang (glycémie) reste toujours normal, et il n’y a donc pas à craindre les complications du diabète.
Ce trouble de la réabsorption rénale du glucose est expliqué par les mutations d’un gène (SLC5A2) codant pour un co-transporteur sodium/glucose appelé SGLT2 ; celui-ci permet la réabsorption couplée du sodium et du glucose dans les cellules du tubule proximal. Les mutations hétérozygotes* (une seule copie mutée) entraînent des glycosuries moins importantes (moins de 10 grammes/jour) que les mutations portant sur les 2 copies du gène (mutations homozygotes ou doubles hétérozygotes) où la glycosurie dépasse 10g/j. Malgré le rôle du gène muté dans la réabsorption du sodium, il n’y pas de symptôme clinique de perte de sel. La glycosurie rénale ne nécessite aucun traitement ni précaution particulière.
* : partie du néphron qui filtre le sang dans les reins
** : glycémie : taux de glucose dans le sang
Le(s) gène(s) en cause
ClCN5
OCRL1