Tolérance d’organes en transplantation : chimère ou espoir ?
Depuis les premières transplantations dans les années 50, la tolérance de l’organe greffé sans traitement est le Graal qu’espèrent médecins et patients. Actuellement on ne peut parler que de tolérance fonctionnelle induite par le traitement, et tout traitement a ses risques d’effets secondaires. Si dans les dernières années, des progrès importants ont été fait pour éviter les rejets précoces (1-2 ans), la perte tardive du greffon reste problématique avec des responsabilités partagées entre le rejet (non tolérance), la toxicité des traitements anti rejet et les infections notamment virales liées à l’immunosuppression. On connait un très petit nombre de patients qui ont pu à terme arrêter tout traitement immunosuppresseur sans rejet.
Les tentatives de régulation des populations lymphocytaires T réactive par la génération de T régulateur (Treg) ou des manipulations de leurs récepteurs n’ont à ce jour pas fait leurs preuves. Les essais de déplétion prolongée des cellules immunes responsables du rejet (en plus des traitements d’induction), n’ont pas été suivis de succès et exposent aux complications infectieuses. Plusieurs autres population cellulaires régulatrices de la réponse T ont été découvertes, mais sans application humaines pour le moment. Par contre les lymphocytes B auraient un rôle régulateur (Breg). L’idée d’expansion in vitro de sous population Treg (ou Breg) est à l’étude avec des premières études chez l’homme. Pour garder l’efficacité sur les T effecteurs tout en diminuant la toxicité sur les Treg, le Sirolimus semble préférable aux inhibiteurs calciques, et l’effet d’anticorps monoclonaux est à l’étude.
La réalisation concomitante d’une greffe d’organe et d’une transplantation médullaire, est efficace dans les modèles animaux avec la création d’un chimérisme immunitaire. Ce concept a été vérifié chez des patients atteints d’insuffisance rénale secondaire à un myélome ayant eu une greffe rénale et médullaire. Des premiers essais de chimérisme partiel avec des cellules hématopoïétiques d’un donneur vivant, sans conditionnement myéloablatif du receveur, sont prometteurs à court terme sur une trentaine de patients, mais nécessitent plus de recul.
La transplantation hépatique est tolérogène sur le rein mais ne peut être envisagée qu’en cas de pathologie hépatique associée.
Une autre piste serait de savoir identifier les patients chez qui on pourrait proposer une immunosuppression allégée. Un des pistes intéressantes serait le suivi des Treg ou de la population B. L’analyse du chimérisme global n’a pas tenu ses promesses actuellement mais celle du chimérisme T semble prometteuse. Deux consortiums internationaux réunissent les chercheurs et les données pour identifier des marqueurs de tolérance. L’autre but est de coordonner les recherches sur l’induction de tolérance pour proposer dans l’avenir aux patients la greffe sans traitement dont on rêve.
Salisbury EM, Game DS, Lechler R. Transplantation tolerance. Pediatr Nephrol. 2014;29:2263-72.
Mise en ligne : 10/05/2016