Qu’est-ce que l’hypocalcémie autosomique dominante?

L’hypocalcémie autosomique dominante (HAD) est due le plus souvent à des mutations activatrices du gène CASR codant pour le récepteur sensible au calcium (CaSR et localisé sur le chromosome 3 (OMIM 601198) qui définit l’HAD de type 1.

Le CaSR est présent dans les cellules parathyroïdiennes et au pôle basolatéral des cellules de la branche ascendante large de l’anse de Henle dans le rein. Il permet de moduler la production et la sécrétion de parathormone (PTH) ainsi que la calciurie en fonction de la calcémie. Ainsi, en cas de diminution de la calcémie, la production de PTH doit s’élever franchement et la calciurie s’effondrer afin de maintenir la calcémie dans une fourchette étroite.

En cas de mutation activatrice du CaSR, il existe une hypocalcémie associée à un taux de parathormone inadapté (bas ou normal), comme au cours d’une hypoparathyroïdie, mais aussi une calciurie anormalement élevée au vu de l’hypocalcémie. Récemment, des mutations activatrices du gène GNA11 qui code pour une protéine G activatrice couplée au CaSR ont été décrites comme étant responsables de l’hypocalcémie autosomique dominante de type 2  (HAD 2 ; OMIM 615361).

Cette pathologie est l’image en miroir de l’hypercalcémie hypocalciurique familiale ou hypercalcémie familiale bénigne.

Il s’agit d’une anomalie rare, la littérature rapporte des cas familiaux mais la fréquence réelle n’est pas connue. Cette fréquence est probablement sous-estimée et certains auteurs considèrent qu’un tiers des hypoparathyroïdies idiopathiques seraient des HAD.

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une pathologie autosomique dominante, avec des mutations de novo décrites dans 20% des cas. Dans l’HAD1, plusieurs dizaines de mutations entrainant un gain de fonction et affectant dans 50% des cas le domaine extracellulaire du CaSR, ont été décrites.

La maladie peut rester longtemps asymptomatique et ne se manifester qu’à l’âge adulte.

L’hypocalcémie parfois profonde peut être à l’origine de tétanie et de convulsions. La calciurie relativement élevée peut être à l’origine d’une maladie lithiasique rénale et de néphrocalcinose, puis d’insuffisance rénale, surtout chez les patients traités par calcium et vitamine D au long cours sans surveillance de la calciurie. Parfois, une hypomagnésémie modérée est associée.

Le diagnostic est suspecté sur une hypocalcémie, avec parfois notion d’hypocalcémie familiale. L’hypocalcémie conduit à la prescription d’un dosage de PTH qui se révèle inappropriée (basse ou anormalement normale en regard de l’hypocalcémie). Le diagnostic d’hypoparathyroïdie est fréquemment porté mais l’existence d’une calciurie anormalement élevée au regard de l’hypocalcémie doit faire évoquer le diagnostic, ainsi que l’existence de cas familiaux d’hypocalcémie.

Le diagnostic est confirmé par le séquençage du gène CASR puis du gène GNA11 si nécessaire.

Le principal intérêt de ce diagnostic est de faire la distinction avec le diagnostic d’hypoparathyroïdie.

Diagnostics différentiels :

  • Hypoparathyroïdies traitées par calcium et/ou vitamine D, à l’origine d’hypercalciurie et de néphrocalcinose.
  • Anticorps anti-CaSR ayant un effet « activateur » du récepteur.

Des convulsions peuvent compliquer l’hypocalcémie ainsi que, théoriquement, des troubles du rythme cardiaque. Une calcification des noyaux gris centraux a été décrite chez ces patients. Des manifestations lithiasiques rénales et/ou une néphrocalcinose compliquent l’hypercalciurie chronique, favorisée par la prescription de calcium et de vitamine D.

Le principal risque est d’induire une néphrocalcinose et une insuffisance rénale en cas de traitement excessif par calcium et vitamine D. L’impact des calcifications des noyaux gris centraux au long cours n’est pas connu.

Les traitements par calcium et vitamine D ne doivent être proposés qu’aux patients symptomatiques, à dose raisonnable et sous surveillance de la calciurie et du volume de diurèse.

Une diurèse abondante est recommandée (objectif 2 litres par jour). Un traitement par diurétiques thiazidiques associé à un régime peu salé peut être proposé pour majorer la calcémie et diminuer la calciurie, en association à de l’amiloride si besoin pour éviter d’induire une hypokaliémie.

L’existence de signes en rapport avec l’hypocalcémie doit être recherchée (tétanie, signes de Trousseau et Chvostek, signes ECG). La surveillance  des examens biologiques repose sur les dosages de calcémie (au mieux calcémie ionisée réalisée dans de bonnes conditions), éventuellement de la magnésémie si elle est basse initialement, de la créatininémie, de la calciurie des 24h associée à la créatininurie des 24h (qualité du recueil). En cas de traitement par thiazidiques un suivi de la kaliémie et de la glycémie est recommandé.

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Rédaction : Pr Emmanuel Letavernier, UPMC – Paris VI et Hôpital Tenon, Paris / Dr Rosa VARGAS POUSSOU, HEGP Paris

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