Qu’est-ce que le syndrome d’Alport ?

Le syndrome d’Alport est une maladie héréditaire qui atteint le rein de manière constante, associé parfois à une atteinte auditive ou oculaire. L’atteinte rénale se manifeste par une hématurie macroscopique (présence de sang dans les urines) et une protéinurie.

La maladie rénale évolue progressivement vers l’insuffisance rénale terminale (IRT) nécessitant un traitement par dialyse ou transplantation rénale. Les manifestations cliniques sont en rapport avec des anomalies de structure des fibres de collagène, qui entrent dans la constitution de la membrane basale glomérulaire au niveau rénal, de l’appareil auditif et oculaire.

  

La maladie se retrouve chez 1 à 9 personnes pour 100000 dans la population générale. Dans certains cas, et étant donné son mode de transmission génétique, le risque de présenter la maladie augmente pour les enfants de parents consanguins.

Le syndrome d’Alport est causé par des anomalies biochimiques de la membrane basale glomérulaire perturbant ainsi la filtration du sang au niveau des glomérules. Normalement, le collagène IV, essentiel à la structure de la membrane basale, est organisé en réseau formé par différentes chaines (chaines alpha 3, alpha 4 et alpha 5). Dans le syndrome d’Alport une des chaines alpha est anomale. Ces chaines sont également présentes dans l’oreille interne et l’œil.

Ces protéines sont codées par plusieurs gènes différents. Les gènes COL4A3 et COL4A4 sont localisés sur le chromosome 2. Le gène COL4A5 est localisé sur le chromosome X. La transmission de la maladie peut se faire selon les modes autosomique dominant, autosomique récessif ou dominant liée à l’X.

Le plus souvent, dans 80% des cas, la mutation concerne le gène COL4A5. La transmission se fait alors par le chromosome X.

Le chromosome X est l’un des deux chromosomes qui définissent le sexe de l’enfant. Les filles ont deux chromosomes X et les garçons un chromosome X hérité de leur mère et un Y hérité de leur père. Lorsque la mutation est transmise par un père atteint, toutes les filles seront atteintes et tous les garçons seront indemnes. Lorsque la mutation est transmise par une mère atteinte, la moitié des filles et des garçons seront atteints. Lorsque le chromosome X d’un garçon porte une mutation de COL4A5, la maladie s’exprime pleinement. Lorsque chez les filles un seul des deux chromosomes X exprime la mutation, elles présentent en général une maladie moins grave. Mais la mutation ne peut prédire à elle seule la gravité de la maladie et quelques fois des filles développent une forme sévère de la maladie. Il existe de très nombreuses mutations différentes. Presque chaque famille atteinte du syndrome d’Alport présente une mutation spécifique.

Dans les autres cas, il s’agit d’une mutation des gènes COL4A3 ou COL4A4 de transmission autosomique récessif. Les parents sont porteurs d’une mutation sur le chromosome 2 et sont le plus souvent indemnes. Pour la descendance, il existe un risque sur quatre (25%) d’hériter des 2 mutations et de développer la maladie. La maladie rénale est aussi sévère chez les filles que chez les garçons. Dans 25% des cas l’enfant sera indemne et dans 50% des cas l’enfant sera porteur de la mutation comme les parents.

Enfin, dans de rares cas, il peut s’agir d’une mutation des gènes COL4A3 ou COL4A4 de transmission autosomique dominant. Si un des deux parents est atteint, il existe un risque de 50% de transmettre la maladie à la descendance quel que soit le sexe.

Manifestations rénales

Les symptômes de la maladie d’Alport apparaissent progressivement et a des âges différents selon le mode de transmission de la maladie.

L’émission d’urines rouges ou hématurie macroscopique est souvent le premier symptôme de la maladie. Au début, les urines semblent normales à l’œil nu mais des analyses d’urine au laboratoire révèlent la présence de sang. On parle d’hématurie microscopique. Après un effort soutenu ou lors d’une poussée de fièvre les urines peuvent se colorer brutalement en rouge : on parle d’hématurie macroscopique. Il s’agit le plus souvent d’une manifestation régressive.

Les analyses d’urines au laboratoire peuvent aussi mettre évidence la présence de protéines dans les urines. Il s’agit souvent d’albumine en faible quantité. Lorsque l’atteinte rénale progresse le débit de protéinurie augmente et peut s’accompagner d’un syndrome néphrotique avec l’apparition d’œdèmes (gonflement des chevilles et les pieds) par rétention d’eau et de sel.

Les patients développent également une hypertension artérielle qui correspond à une augmentation de la pression du sang dans les vaisseaux. Cette augmentation de la pression artérielle doit être surveillée attentivement et traitée efficacement, car à long terme, elle peut entraîner des complications cardiovasculaires et peut accélérer la progression de l’insuffisance rénale.

L’atteinte rénale évolue progressivement vers l’insuffisance rénale terminale c’est-à-dire l’incapacité du rein à éliminer les toxines comme l’urée ou l’acide urique dans le sang et à se débarrasser de l’excès d’eau de l’organisme.

Manifestations auditives

La surdité peut apparaître avant ou après l’insuffisance rénale. Il s’agit le plus souvent d’une atteinte légère à modérée. Elle concerne les deux oreilles, souvent de façon symétrique, et touche surtout les sons aigus. Elle est due à une atteinte de la cochlée (oreille interne) et on parle de surdité de perception. Les bébés ne naissent pas sourds. Les enfants présentent des signes de fatigabilité, d’inattention et des troubles de la compréhension.

En grandissant, les jeunes adultes peuvent avoir des difficultés à comprendre les conversations, en particulier dans les endroits bruyants. Il n’est pas rare que cela se manifeste par une tendance à l’isolement social. D’autres fois, les personnes ressentent comme des bourdonnements ou des sifflements à l’intérieur des oreilles. On appelle ces manifestations des acouphènes. La moitié des garçons atteints du syndrome d’Alport lié à l’X présentent une surdité avant l’âge de 10 ans. La majorité des hommes auront des problèmes auditifs avant 40 ans. Lorsqu’il s’agit d’une forme autosomique dominante, cela arrive plus tardivement.

Manifestations oculaires

Les anomalies de l’œil sont moins fréquentes et le plus souvent légères n’entrainant aucune conséquence sur la vision. Les manifestations les plus gênantes sont les érosions cornéennes. Dans ce cas la membrane qui recouvre la partie antérieure de l’œil et qu’on appelle la cornée, peut être abîmée et présenter de petites érosions. Cela provoque des douleurs de l’œil, une gêne extrême à la lumière appelée photophobie, et un larmoiement involontaire et permanent. On peut retrouver aussi une lésion caractéristique du syndrome d’Alport appelé lenticône antérieur. Il s’agit d’une anomalie du cristallin évoluant vers une myopie et un astigmatisme nécessitant une correction par des lunettes.

Autres manifestations

Il existe aussi dans de très rares cas des atteintes digestives qui se manifestent par une gêne ou une difficulté à avaler les aliments solides que l’on appelle dysphagie. Cette gêne est secondaire à l’apparition de petites tumeurs bénignes appelées léiomyomes au niveau de l’œsophage. Lorsque ces léiomyomes apparaissent dans la trachée, ils gênent la respiration. La léiomyomatose est rare, et elle est aussi sévère chez les filles que chez les garçons.

Le plus souvent, l’histoire familiale fait évoquer le diagnostic. Lorsque la mutation est connue dans une famille la survenue de symptômes évocateurs suffit pour affirmer le diagnostic.

Dans les forme lié à l’X, le diagnostic peut être fait sur l’analyse de l’expression de la chaine alpha 5 du collagène IV sur une simple biopsie de peau. La biopsie cutanée peut être normale ne permettant pas d’éliminer le diagnostic. Il faudra réaliser une biopsie rénale à la recherche d’anomalies de la membrane basale glomérulaire en microscopie électronique (membrane glomérulaire épaissie et désorganisée).

Si un couple a déjà eu un enfant atteint du syndrome d’Alport, ou que la mutation génétique familiale est connue il est possible de faire un diagnostic prénatal pour les grossesses suivantes. Le diagnostic prénatal consiste à rechercher la mutation familiale chez le fœtus grâce à une amniocentèse. Lorsque la transmission est liée à l’X, le diagnostic prénatal ne sera proposé que pour les fœtus garçon.

Lorsque la maladie est très développée, les patients peuvent rencontrer des difficultés à uriner, une hypertension artérielle et une sensibilité accrue aux infections. Au stade le plus évolué, on parle d’insuffisance rénale terminale ou de faillite rénale. L’organisme ne peut assurer seul l’élimination des déchets (les toxines urémiques) et le traitement repose soit sur une épuration du sang par des techniques d’élimination des toxines par la dialyse, soit sur le remplacement des reins malades par un rein sain lors d’une transplantation rénale.

Les conséquences de l’insuffisance rénale chronique sont dominées par une fatigue physique appelée asthénie, une anorexie, qui est une perte de l’appétit et parfois des douleurs articulaires.

Il s’agit d’une maladie chronique, il est souhaitable de parler avec un psychologue. Ce soutien est utile dès l’annonce du diagnostic. Le fait qu’il ne soit pas toujours possible de prévoir l’évolution de la maladie peut être source d’anxiété, mais l’annonce du diagnostic est le premier bouleversement.

La maladie d’un enfant peut être également source d’angoisses pour la famille qui peut ressentir une forme de culpabilité qui ajoute à la tristesse.

Le principal traitement consiste à écarter toutes les situations pouvant accélérer la maladie rénale. La maitrise de la pression artérielle et la réduction de la protéinurie par le traitement néphroprotecteur utilisant des médicaments comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion en sont les principaux piliers, mais ne doivent pas faire oublier les mesures d’hygiène et de diététique. Ne pas fumer, faire de l’exercice régulièrement, ne pas être en surpoids et manger le moins de sel possible tout en évitant les médicaments toxiques pour les reins.

Au stade de l’insuffisance rénale terminale, grâce au traitement antirejet, la transplantation améliore significativement la qualité de vie par rapport à la dialyse. Lorsque la personne malade est traitée par hémodialyse, alors les séances régulières rythment la vie trois fois par semaine. En dehors de ces séances, la vie quotidienne est presque normale à l’exception d’un régime particulier et de la prise régulière de médicaments.

Aucune activité sportive et aucun métier ne sont formellement contre-indiqués. Un avis médical peut aider à faire un choix éclairé. L’atteinte de l’audition peut limiter la pratique de certaines activités et de certains métiers.

Le syndrome d’Alport n’est pas un obstacle à un projet de grossesse. Une surveillance régulière de la grossesse est indispensable pour le bébé et la maman. Parfois, l’existence d’une insuffisance rénale précoce ou d’une hypertension artérielle sévère peuvent rendre la grossesse difficile. La progression de la maladie rénale peut être un peu accélérée pendant la grossesse.

Le suivi et la surveillance de la maladie font appel au médecin généraliste, qui connait la famille et au néphrologue qui est le spécialiste des maladies du rein. Le néphrologue le plus proche peut être trouvé par l’intermédiaire d’Orphanet, mais chaque généraliste connaît les spécialistes de sa région. Le rythme du suivi dépend de la progression de la maladie.

Une personne qui n’a pas encore développé d’atteinte rénale peut être suivie une fois par an. Ce rythme se rapproche lorsque la maladie progresse pour atteindre une consultation tous les mois lorsque les reins ne fonctionnent presque plus et qu’une dialyse doit être envisagée. Chez l’enfant, la surveillance est assurée par un néphrologue pédiatre en collaboration avec un pédiatre en ville.

Le suivi auditif et oculaire doit se faire par des spécialistes et sera adapté en fonction du degré d’atteinte. Chez l’enfant, l’examen de l’audition peut être réalisé en systématique dès l’âge de 3 ans, puis avant l’entrée au CP, puis tous les 3 ans.

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Rédaction : Pr Michel TSIMARATOS (AP-AM, Hôpital de la Timone), Pr Stéphane BURTEY (AP-HM, Hôpital de la Conception)

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