Qu’est-ce que le syndrome néphrotique corticorésistant héréditaire ?



Les reins permettent, grâce aux glomérules, sortes de filtre ou d ’« usines de tri des déchets », d’éliminer certains composants présents dans le sang et provenant surtout de l’alimentation, tels l’eau, le sel, l’urée venant des protéines présentes dans la viande ou les produits laitiers. Ce filtre est très sélectif et ne laisse pas passer certaines substances comme les protéines fabriquées par l’organisme.

Un syndrome néphrotique survient lorsque ce filtre est trop perméable et que les reins laissent passer dans les urines de grandes quantités de protéines présentes dans la circulation sanguine, surtout de l’albumine. Il en résulte une diminution de la concentration d’albumine dans le sang et une difficulté des reins à éliminer le sel et l’eau provenant de l’alimentation. L’eau et le sel vont passer de la circulation sanguine dans les tissus et provoquer des œdèmes.

Le syndrome néphrotique est dit corticorésistant lorsque le traitement standard par la cortisone (prednisone) ne permet pas d’obtenir une rémission complète c’est à dire de rendre le filtre de nouveau imperméable aux protéines et de faire disparaître les protéines dans les urines.

Il est dit héréditaire lorsqu’il résulte du dysfonctionnement d’un gène.

 

Sa fréquence dans la population générale est inconnue mais est estimée à moins d’un cas par million d’habitants.

Tous les modes de transmission ont été décrits : autosomique récessif, autosomique dominant, lié à l’X, mitochondrial (en savoir plus).

Plusieurs dizaines de gènes dont les mutations sont responsables de la maladie ont été identifiés dans les dernières décennies. Parmi eux, le gène NPHS2, codant pour une protéine du filtre glomérulaire (la podocine) (voir la fiche sur la fonction rénale), est le gène le plus fréquemment impliqué dans des formes de transmission autosomique récessive de l’enfant et de l’adulte. Les mutations du gène INF2 codant une autre protéine du podocyte sont les plus souvent identifiées dans les formes autosomiques dominantes.

Un syndrome néphrotique est suspecté lorsqu’il existe des œdèmes, responsables d’une bouffissure des paupières le matin, d’un gonflement des chevilles dans la journée en position debout. L’excès d’eau et de sel dans l’organisme peut également entraîner un gonflement de l’abdomen (ascite), des bourses chez le garçon (hydrocèle), un épanchement dans la plèvre qui entoure les poumons (épanchement pleural). Ces œdèmes sont gênants, mais le plus souvent ne sont pas dangereux.

Devant ces œdèmes, on peut facilement affirmer qu’il s’agit d’un syndrome néphrotique en recherchant la présence de protéines dans les urines.

Dans d’autres cas, il n’y a aucun symptôme et le diagnostic est posé de façon fortuite lors d’un bilan sanguin ou urinaire.

Enfin, il peut être révélé par des complications diverses : douleur abdominale, essoufflement, infection, maux de tête, caillots dans la circulation (thrombose) qui peuvent se déplacer et entraîner une embolie pulmonaire

Le diagnostic est suspecté lorsque plusieurs personnes d’une même famille sont affectées, et recherché systématiquement chez l’enfant avec un syndrome néphrotique corticorésistant. Il est confirmé par une analyse génétique qui prend plusieurs mois. Toutes les causes génétiques de syndrome néphrotique corticorésistant familial ne sont pas encore connues.

En dehors des œdèmes, souvent disgracieux mais habituellement sans conséquence sévère, le syndrome néphrotique expose à certaines complications.

Infections :

Les infections bactériennes sont fréquentes et peuvent survenir au début de la maladie. Il peut s’agir d’une péritonite (infection du péritoine) entraînant des douleurs abdominales vives et de la fièvre, d’une méningite, d’une pneumonie ou d’une cellulite (infection des tissus sous-cutanés). Toutes ces infections peuvent être contrôlées par les antibiotiques.

Les infections virales peuvent être favorisées par le traitement que l’on donne pour traiter le syndrome néphrotique comme la prednisone ou les immunosuppresseurs. C’est en particulier le cas de la varicelle qui peut être grave. Il existe des médicaments efficaces qu’il faut donner si la varicelle se déclare afin d’éviter les complications de cette maladie, et en cas de contact avec une personne atteinte de varicelle pour prévenir son apparition.

Thromboses :

Le syndrome néphrotique est responsable d’anomalies de la coagulation qui augmentent le risque de formation de caillots dans la circulation. Ce sont les accidents de thrombose qui peuvent se localiser dans les veines des membres supérieurs ou inférieurs, les veines rénales, les vaisseaux cérébraux, les artères pulmonaires. Les caillots peuvent se déplacer et entraîner une embolie pulmonaire. Ces accidents peuvent être prévenus par la prise de médicaments appelés anticoagulants.

Autres complications :

Lorsque les traitements ne sont pas efficaces et n’entraînent pas la rémission, la fuite urinaire des protéines peut être responsable, à long terme, d’un état de malnutrition avec fonte musculaire, d’un trouble de la croissance en taille, de perturbations du bilan lipidique et d’insuffisance thyroïdienne.

Des lésions de sclérose peuvent apparaître et progresser au niveau des reins, entraînant une insuffisance rénale chronique dans un délai que l’on ne peut pas préciser, mais qui peut être de plusieurs années.

Certaines formes génétiques très rares sont associées à des atteintes d’autres organes (cœur, œil, système nerveux, organes génitaux..).

 

Les traitements visent à prévenir les complications du syndrome néphrotique. Pour diminuer les oedèmes, un régime sans sel, des perfusions d’albumine régulières et des diurétiques peuvent être prescrits. On y associe, selon les cas des traitements faisant diminuer la protéinurie et protégeant le rein, des anticoagulants pour limiter le risque de thrombose, des traitements réduisant les taux de cholestérol et de triglycérides, des antibiotiques et/ou des hormones thyroïdiennes de synthèse et/ou de l’hormone de croissance de synthèse.

Aucun traitement ne permet de guérir la maladie, et l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale est fréquente nécessitant la mise en dialyse et/ou une greffe rénale. Il faut parfois retirer les deux reins avant le stade de la dialyse et la greffe pour limiter les complications du syndrome néphrotique. Le risque de récidive du syndrome néphrotique après transplantation rénale est minime lorsque la mutation causale est connue.

On surveille régulièrement la croissance, la pression artérielle, les taux de protéines sanguins et urinaires, la fonction rénale (urée, et créatinine sanguines), et les autres complications.

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Informations complémentaires

Rédaction : Dr Olivia GILLION-BOYER,  Dr Marie-France GAGNADOUX (Paris – Hôpital Necker Enfants Malades), Pr Vincent AUDARD (Créteil Henri Mondor) et Pr Vincent GUIGONIS (CHU Limoges).

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