Qu’est-ce que le syndrome néphrotique corticorésistant ?

 

Les reins permettent, grâce aux glomérules, sortes de filtre ou d’« usines de tri des déchets », d’éliminer certains composants présents dans le sang et provenant surtout de l’alimentation, tels l’eau, le sel, l’urée venant des protéines présentes dans la viande ou les produits laitiers. Ce filtre est très sélectif et ne laisse pas passer certaines substances comme les protéines fabriquées par l’organisme.

Un syndrome néphrotique survient lorsque ce filtre est trop perméable et que les reins laissent passer dans les urines de grandes quantités de protéines présentes dans la circulation sanguine, surtout de l’albumine. Il en résulte une diminution de la concentration d’albumine dans le sang et une difficulté des reins à éliminer le sel et l’eau provenant de l’alimentation. L’eau et le sel vont passer de la circulation sanguine dans les tissus et provoquer des œdèmes.

Le syndrome néphrotique est dit corticorésistant lorsque le traitement standard du syndrôme néphrotique par la cortisone (prednisone) ne permet pas d’obtenir une rémission complète c’est à dire de rendre le filtre de nouveau imperméable aux protéines et de faire disparaître les protéines dans les urines.

Le nombre exact de nouveaux cas annuels dans la population générale est inconnu. L’ensemble des syndromes néphrotiques touche 1-4/100 000 enfants, et 5 à 10% d’entre eux sont corticorésistants.

Le syndrome néphrotique idiopathique corticorésistant sporadique est une maladie hétérogène. Un tiers environ a une origine génétique en rapport le plus souvent avec des anomalies de structure de certaines protéines des podocytes (cellules du filtre glomérulaire) (voir la fiche https://www.filiereorkid.com/la-fonction-renale/). Toutes les causes génétiques de syndrome néphrotique corticorésistant ne sont pas encore connues.

Les autres ont un mécanisme totalement différent et non encore élucidé. Une des hypothèses avancées est que les cellules du système immunitaire produisent un ou des facteurs circulants qui augmentent la perméabilité du filtre glomérulaire aux protéines.

Les recherches actuelles portent sur la recherche de nouveaux gènes et l’identification des facteurs circulants responsables du syndrome néphrotique.

Un syndrome néphrotique est suspecté lorsqu’il existe des œdèmes, responsables d’une bouffissure des paupières le matin, d’un gonflement des chevilles dans la journée en position debout. L’excès d’eau et de sel dans l’organisme peut également entraîner un gonflement de l’abdomen (ascite), des bourses chez le garçon (hydrocèle), un épanchement dans la plèvre qui entoure les poumons (épanchement pleural). Ces œdèmes sont gênants, mais le plus souvent ne sont pas dangereux.

Devant ces œdèmes, on peut facilement affirmer qu’il s’agit d’un syndrome néphrotique en recherchant la présence de protéines dans les urines.

Dans d’autres cas, il n’y a aucun symptôme et le diagnostic est posé de façon fortuite lors d’un bilan sanguin ou urinaire.

Enfin, il peut être révélé par des complications diverses : douleur abdominale, essoufflement, infection, maux de tête, caillots dans la circulation (thrombose) qui peuvent se déplacer et entraîner une embolie pulmonaire

Quand le diagnostic est suspecté, on cherche à mettre en évidence les protéines dans les urines. La façon la plus simple de le faire est d’utiliser des bandelettes, type Albustix®, que l’on trempe dans les urines et dont on compare ensuite la couleur avec celles indiquées sur le flacon. La couleur de la bandelette va passer du jaune lorsqu’il n’y a pas de protéinurie au vert pâle ou foncé selon l’importance de la protéinurie. On peut ainsi savoir si cette recherche de protéinurie est négative ou positive, avec une échelle à une, deux, trois ou quatre croix. La présence de « traces » ne doit pas inquiéter.

Lorsque la recherche de protéines à la bandelette est positive, il est important de préciser la quantité de protéines perdues dans les urines. Cela peut se faire au laboratoire sur un échantillon le matin ou sur un recueil d’urines durant 12 heures ou 24 heures.

Le diagnostic est ensuite confirmé par une prise de sang, puis complété le plus souvent par une biopsie rénale, et une analyse génétique qui prend plusieurs mois. Toutes les causes génétiques de syndrome néphrotique corticorésistant ne sont pas encore connues.

En dehors des œdèmes, souvent disgracieux mais habituellement sans conséquence sévère, le syndrome néphrotique expose à certaines complications.

  • Infections : Les infections bactériennes sont fréquentes et peuvent survenir au début de la maladie. Il peut s’agir d’une péritonite (infection du péritoine) entraînant des douleurs abdominales vives et de la fièvre, d’une méningite, d’une pneumonie ou d’une cellulite (infection des tissus sous-cutanés). Toutes ces infections peuvent être contrôlées par les antibiotiques. Les infections virales peuvent être favorisées par le traitement que l’on donne pour traiter le syndrome néphrotique comme la prednisone ou les immunosuppresseurs. C’est en particulier le cas de la varicelle qui peut être grave. Il existe des médicaments efficaces qu’il faut donner si la varicelle se déclare afin d’éviter les complications de cette maladie, et en cas de contact avec une personne atteinte de varicelle pour prévenir son apparition.
  • Thromboses : Le syndrome néphrotique est responsable d’anomalies de la coagulation qui augmentent le risque de formation de caillots dans la circulation. Ce sont les accidents de thrombose qui peuvent se localiser dans les veines des membres supérieurs ou inférieurs, les veines rénales, les vaisseaux cérébraux, les artères pulmonaires. Les caillots peuvent se déplacer et entraîner une embolie pulmonaire. Ces accidents peuvent être prévenus par la prise de médicaments appelés anticoagulants.
  • Autres complications : Lorsque les traitements ne sont pas efficaces et n’entraînent pas la rémission, la fuite urinaire des protéines peut être responsable, à long terme, d’un état de malnutrition avec fonte musculaire, d’un trouble de la croissance en taille, de perturbations du bilan lipidique et d’insuffisance thyroïdienne. Des lésions de sclérose peuvent apparaître et progresser au niveau des reins, entraînant une insuffisance rénale chronique dans un délai que l’on ne peut pas préciser, mais qui peut être de plusieurs années.
    Certaines formes génétiques très rares sont associées à des atteintes d’autres organes (cœur, œil, système nerveux ..).

 

Le traitement a deux buts : faire disparaître la protéinurie et limiter les conséquences du syndrome néphrotique, en particulier les œdèmes.

Dans le but de faire régresser la protéinurie, les traitements immunosuppresseurs, en particulier la cyclosporine et le tacrolimus, peuvent avoir un effet bénéfique en association avec les corticoïdes (prednisone). D’autres traitements en cours d’évaluation peuvent être proposés.

On y associe si besoin des traitements pour prévenir les complications du syndrome néphrotique. Pour diminuer les oedèmes, sont prescrits un régime sans sel, des perfusions d’albumine régulières et des diurétiques. On y associe des traitements faisant diminuer la protéinurie et protégeant le rein, des anticoagulants pour limiter le risque de thrombose, des traitements réduisant les taux de cholestérol et de triglycérides et/ou des hormones thyroïdiennes de synthèse et/ou de l’hormone de croissance de synthèse. Néanmoins, l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale est fréquente nécessitant la mise en dialyse et/ou une greffe rénale. Dans ce cas, il existe un risque de récidive du syndrome néphrotique après transplantation rénale.

Outre la surveillance régulière du taux de protéinurie et du taux sanguin d’albumine, on contrôle régulièrement la croissance, la fonction rénale (urée et créatinine sanguines et urinaires), et les dosages des médicaments immunosuppresseurs.

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Informations complémentaires

Rédaction : Dr Olivia GILLION-BOYER,  Dr Marie-France GAGNADOUX (Paris – Hôpital Necker Enfants Malades), Pr Vincent AUDARD (Créteil Henri Mondor) et Pr Vincent GUIGONIS (CHU Limoges).

 

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