Qu’est-ce que le syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant ?

 

Les reins contiennent des glomérules qui filtrent le sang, fonctionnant comme des « passoires à nouilles », en retenant les substances de grande taille (les protéines et les cellules sanguines) et en laissant passer les déchets, petites substances provenant surtout de l’alimentation, comme l’eau, le sel, l’urée. Ces déchets filtrés se retrouvent alors dans l’urine.

Un syndrome néphrotique survient lorsque les trous de la passoire des glomérules s’élargissent laissant passer dans les urines des protéines (protéinurie), essentiellement de l’albumine (albuminurie). Il en résulte une diminution de la concentration d’albumine dans le sang qui assure normalement par un effet « éponge » le maintien de l’eau et du sel dans le sang. L’eau et le sel vont donc passer de la circulation sanguine dans le reste du corps et provoquer des œdèmes.

Chez l’enfant, le syndrome néphrotique est le plus souvent en rapport avec ce que l’on appelle un syndrome néphrotique idiopathique (dont on ne connaît pas la cause), également appelé néphrose.

On distingue deux formes de syndrome néphrotique idiopathique en fonction de la réponse au traitement :

  • le syndrome néphrotique corticosensible lorsque le traitement standard par la cortisone (prednisone) permet d’obtenir une rémission complète c’est à dire de rendre le filtre de nouveau imperméable aux protéines et de faire disparaître les protéines dans les urines ; et à l’inverse
  • le syndrome néphrotique corticorésistant (cf fiches SNCR).

Le syndrome néphrotique idiopathique « répond » huit fois sur dix à la cortisone. La disparition de la protéinurie s’accompagne rapidement de la disparition des oedèmes.

Il s’agit d’une maladie rare qui touche environ 1 à 5 enfants pour 100 000. La maladie est plus fréquente chez le garçon que chez la fille.

Le syndrome néphrotique idiopathique est une maladie dont on ne connaît pas précisément la cause.

Les syndromes néphrotiques qui sont mis en rémission avec un traitement immunosuppresseur semblent être liés à une anomalie des cellules du système immunitaire (les globules blancs) qui fabriqueraient un ou des produits circulant dans le sang, qui augmenteraient la perméabilité du filtre glomérulaire aux protéines (élargissement des trous de la passoire). La ou les causes de ce dysfonctionnement immunitaire ne sont actuellement pas identifiées.

A l’inverse, un tiers environ des syndromes néphrotiques qui ne sont pas mis en rémission avec un traitement immunosuppresseur a une origine génétique en rapport le plus souvent avec des anomalies de structure de certaines protéines des podocytes (cellules du filtre glomérulaire) (voir la fiche SNCR héréditaire, SN congénital).

Cependant, toutes les causes génétiques de syndrome néphrotique corticorésistant ne sont pas encore connues.

Un syndrome néphrotique est suspecté lorsqu’il existe des œdèmes, responsables d’une bouffissure des paupières le matin, d’un gonflement des chevilles dans la journée en position debout.

L’excès d’eau et de sel dans l’organisme peut également entraîner un gonflement de l’abdomen (ascite), des bourses chez le garçon (hydrocèle), une accumulation d’eau autour des poumons (épanchement pleural). Ces œdèmes sont gênants, mais le plus souvent ne sont pas dangereux.

Devant ces œdèmes, on peut facilement affirmer qu’il s’agit d’un syndrome néphrotique en recherchant la présence de protéines dans les urines.
Dans d’autres cas, il n’y a aucun symptôme et le diagnostic est posé de façon fortuite lors d’un bilan sanguin ou urinaire.

Enfin, il peut être révélé par des complications diverses : douleur abdominale, essoufflement, infection, maux de tête, caillots dans la circulation (thrombose) qui peuvent se déplacer et entraîner un caillot dans les poumons (embolie pulmonaire).

Quand le diagnostic est suspecté, on recherche des protéines dans les urines. Lorsque la recherche de protéines à la bandelette est positive, il est important de préciser la quantité de protéines perdues dans les urines. Cela peut se faire au laboratoire sur un échantillon le matin ou sur un recueil d’urines durant 12 ou 24 heures.

Le diagnostic est ensuite confirmé par une prise de sang. De nombreuses maladies touchant les reins peuvent être responsables d’oedèmes et de protéines dans les urines. Pour cette raison, des examens spécialisés peuvent être nécessaires.

Ainsi, une biopsie rénale peut être indiquée au moment du diagnostic s’il existe des symptômes cliniques ou des résultats biologiques laissant penser que le syndrome néphrotique est en rapport avec une autre maladie. Elle est également indiquée chez les enfants qui gardent toujours des protéines dans les urines après un mois de traitement par corticoïdes (syndrome néphrotique corticorésistant. voir fiches).

En dehors des œdèmes, souvent disgracieux mais habituellement sans conséquence sévère (et qui ne laissent pas de traces), le syndrome néphrotique expose à certaines complications.

Infections

  • Les infections bactériennes sont fréquentes et peuvent survenir au début de la maladie. Il peut s’agir d’une péritonite (infection autour des intestins) entraînant des douleurs abdominales vives et de la fièvre, d’une méningite, d’une pneumonie ou d’une cellulite (infection des tissus sous-cutanés). Toutes ces infections peuvent être contrôlées par les antibiotiques.
  • Les infections virales peuvent aussi être favorisées par le traitement que l’on donne pour traiter le syndrome néphrotique comme la prednisone ou les immunosuppresseurs. C’est en particulier le cas de la varicelle qui peut être grave. Il existe des médicaments efficaces qu’il faut donner si la varicelle se déclare afin d’éviter les complications de cette maladie, et en cas de contact avec une personne atteinte de varicelle pour prévenir son apparition.

Thromboses

Le syndrome néphrotique est responsable d’anomalies de la coagulation qui augmentent le risque de formation de caillots dans la circulation. Ce sont les accidents de thrombose qui peuvent se localiser dans les veines des bras ou des jambes, les veines rénales, les vaisseaux cérébraux, les artères pulmonaires. Ces accidents peuvent être prévenus par la prise de médicaments appelés anticoagulants (qui fluidifient le sang).

Autres complications

Lorsque les traitements ne sont pas efficaces et n’entraînent pas la rémission (disparition complète des protéines dans les urines), la fuite urinaire des protéines peut être responsable, à long terme, d’un état de malnutrition avec fonte musculaire, d’un trouble de la croissance en taille, de perturbations du bilan lipidique et un dysfonctionnement de la thyroïde. Des cicatrices peuvent apparaître et progresser au niveau des reins, entraînant une insuffisance rénale chronique dans un délai que l’on ne peut pas préciser, mais qui peut être de plusieurs années.

Le traitement a deux buts :

limiter les conséquences du syndrome néphrotique, en particulier les œdèmes et faire disparaître la protéinurie.

Les oedèmes sont la conséquence d’une diminution de l’élimination de sel par les reins. Le régime alimentaire doit donc être le plus pauvre possible en sel. Il faut éviter les aliments riches en sel et ne pas en ajouter sur les aliments lors des repas. Les diurétiques, médicaments qui augmentent l’élimination de sel par les reins doivent être utilisés avec prudence, car ils peuvent favoriser la formation de caillots dans la circulation sanguine. Les perfusions d’albumine sont rarement nécessaires

Dans le but de faire régresser la protéinurie, le traitement repose sur la corticothérapie : prednisone (Cortancyl®) ou un médicament de la même famille, comme par exemple la prednisolone (Solupred®). On y associe un régime limité en sel, en sucres et en graisses, et une supplémentation en calcium et vitamine D (voir plus loin).

Si la protéinurie persiste au bout d’un mois, trois perfusions de fortes doses de corticoïdes (équivalent de la prednisone, administrable par voie intraveineuse) sont effectuées, chacune à 48 heures d’intervalle. Si la protéinurie persiste une semaine après les perfusions, le syndrome néphrotique est dit « corticorésistant ». (voir fiches)

Deux enfants sur trois avec un syndrome néphrotique corticosensible vont avoir une ou plusieurs rechutes lors de la diminution des doses de prednisone ou après l’arrêt du traitement. Elles sont souvent favorisées par une infection telle une rhino-pharyngite ou une angine. La guérison, spontanée ou par antibiothérapie, de l’épisode infectieux peut entraîner la rémission.

On propose parfois de redonner la corticothérapie tous les jours pendant les infections pour éviter la rechute. Une allergie peut également être un facteur favorisant des rechutes. Le traitement des rechutes consiste en une augmentation de la corticothérapie qui est donnée tous les jours jusqu’à ce que la rémission soit obtenue, puis à nouveau donné un jour sur deux, à dose dégressive.

Si la dose de prednisone nécessaire pour maintenir la rémission est trop élevée entraînant un risque d’effets secondaires importants, le recours à d’autres traitements immunosuppresseurs (c’est-à-dire à base de molécules limitant l’action des globules blancs) est nécessaire. Il s’agit en particulier du lévamisole (Elmisol®), du mycophénolate mofétil (Cellcept®), de la cyclosporine (Néoral®) et du tacrolimus (Prograf®), du cyclophosphamide (Endoxan®), du rituximab (Mabthéra®). D’autres traitements en cours d’évaluation peuvent être proposés.

Il n’existe pas de traitement permettant une guérison totale chez tous les patients à l’heure actuelle.

Les corticoïdes et les autres médicaments utilisés ont des effets secondaires potentiels.

Les effets secondaires du traitement par prednisone dépendent de la dose que l’enfant reçoit, mais varient aussi d’un enfant à l’autre pour une dose identique, certains étant plus susceptibles de développer une complication que d’autres. Lorsque la dose diminue, en particulier lorsque le traitement est administré un jour sur deux, les effets secondaires diminuent également.

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Voici les effets secondaires possibles :

Changement de l’aspect physique :

Joues rouges, augmentation de la pilosité. La peau est plus fragile. Les adolescents peuvent développer des vergetures et de l’acné pour lesquels les conseils d’un dermatologue sont utiles.

Stimulation de l’appétit :

La corticothérapie peut provoquer une prise de poids rapide et peu harmonieuse, avec de grosses joues et un gros ventre. Un régime pauvre en sucre et en graisses doit être suivi pour ne pas grossir de façon excessive. Il faut éviter que l’enfant mange en dehors des repas. La diminution de la consommation de sucre est recommandée : suppression des sucres d’absorption rapide, sucreries, gâteaux, chocolat, confitures et boissons sucrées. Éviter les aliments riches en graisses en diminuant le beurre et le fromage est également recommandé.

• Troubles du caractère :

Les enfants recevant la prednisone sont souvent très actifs, agités. Ils peuvent avoir des crises de colère et des difficultés à dormir. Certains enfants au contraire sont plus tristes. Ils peuvent être agressifs alors qu’avant ils étaient des enfants tout à fait calmes. Ces troubles disparaissent lorsque les doses de prednisone diminuent.

• Augmentation de la tension artérielle :

c’est pour cette raisonque le régime alimentaire doit être peu salé même lorsque la protéinurie a disparu. Ce n’est que lorsque la dose de corticoïdes est faible que les apports en sel peuvent être augmentés.• Troubles de la croissance en taille : les corticoïdes surtout à fortes doses et donnés tous les jours bloquent la croissance. Elle redémarre lorsque les doses sont diminuées et surtout lorsque le traitement est donné un jour sur deux. Si les doses nécessaires pour maintenir l’enfant en rémission sont trop élevées et sont responsables d’un ralentissement de la croissance, le médecin peut décider d’introduire un autre traitement.

• Moins grande résistance aux infections :

Le traitement par prednisone diminue les défenses immunitaires. En cas de fièvre, il faut consulter rapidement un médecin.

• Problèmes osseux :  

Le traitement corticoïde peut être responsable d’une perte de calcium au niveau des os (ostéoporose), raison pour laquelle un supplément de calcium et de vitamine D est souvent prescrit. Des troubles de la vascularisation de certaines régions des os (ostéonécrose) peuvent survenir et se traduire par des douleurs. Une immobilisation dans un plâtre peut alors être nécessaire.

• Problèmes oculaires :

Un traitement prolongé peut être la cause d’une cataracte, qui peut être détectée par un examen ophtalmologique avant qu’elle n’entraîne une gêne de la vision.

• Problèmes à l’arrêt du traitement :

Après un traitement prolongé, son arrêt brusque peut avoir des conséquences graves car l’organisme ne fabrique plus suffisamment le cortisol, équivalent naturel de la prednisone. Dans ces cas, un traitement substitutif par de l’hydrocortisone peut être nécessaire pendant quelques semaines.

La maladie risque de durer plus longtemps si le syndrome néphrotique est apparu tôt dans l’enfance, avant 4 à 5 ans.

Néanmoins, le nombre de rechutes chaque année a tendance à diminuer au fil du temps. Il est impossible de prévoir quelle sera la durée de la maladie. Il existe indiscutablement un risque que la maladie continue de rechuter à l’âge adulte. Environ 40 % des personnes qui ont eu de nombreuses rechutes dans l’enfance continuent à avoir des rechutes à l’âge adulte.

Tant que le syndrome néphrotique continue de répondre au traitement, ce qui est le plus souvent le cas, il n’y a pratiquement pas de risque que la maladie se complique d’insuffisance rénale chronique.

A la maison, l’enfant et ses parents doivent rechercher quotidiennement ou tous les deux à trois jours le taux de protéines dans les urines (protéinurie).

La façon la plus simple de le faire est d’utiliser des bandelettes, type Albustix®, que l’on trempe dans les urines et dont on compare ensuite la couleur avec celles indiquées sur le flacon. La couleur de la bandelette va passer du jaune lorsqu’il n’y a pas de protéinurie au vert pâle ou foncé selon l’importance de la protéinurie.

On peut ainsi savoir si cette recherche de protéinurie est négative ou positive, avec une échelle à une, deux, trois ou quatre croix. La présence de « traces » ne doit pas inquiéter. Les résultats sont notés dans un carnet de suivi.

Lorsque la recherche de protéines à la bandelette est positive, il est important de préciser la quantité de protéines perdues dans les urines. Cela peut se faire au laboratoire sur un recueil d’urines.

L’intérêt de la surveillance régulière des urines par la bandelette Albustix® est qu’elle permet de dépister une rechute bien avant que n’apparaissent des oedèmes. Le traitement est alors rapidement débuté afin de limiter les conséquences de cette rechute. De plus, la rémission est obtenue plus rapidement si la rechute est traitée sans délai.

Outre la surveillance régulière du taux de protéinurie et du taux sanguin d’albumine, le médecin contrôle régulièrement la croissance, la fonction rénale (urée et créatinine sanguines et urinaires), et les dosages des médicaments immunosuppresseurs.

La surveillance concerne également le poids de l’enfant qui peut augmenter en cas d’oedèmes ou en raison de la corticothérapie qui stimule l’appétit.

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Informations complémentaires : 

Rédaction : Pr Olivia GILLION-BOYER (Paris – Hôpital Necker), Pr Vincent GUIGONIS (CHU Limoges), Dr Claire DOSSIER (Paris – Hôpital Roberet Debré), Dr Marie-France GAGNADOUX (Paris – Hôpital Necker)

 

 

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